Alors que l’Europe du vélo garde un certain équilibre, le marché du vélo en Suisse connaît un net coup d’arrêt. En 2024, les ventes ont reculé de 54 000 unités par rapport à l’année précédente, soit une chute de 14 %. Un signal fort d’un secteur qui sort péniblement de l’euphorie post-Covid pour entrer dans une phase de remise en question.
L’essentiel de l’article :
- Le marché du vélo en Suisse chute de 14 % en 2024, atteignant son plus bas niveau depuis 2017.
- Les vélos électriques reculent, notamment les modèles urbains et les speed pedelecs.
- Les grossistes résistent mieux que les détaillants et certaines niches comme les e-cargo progressent.
Après l’euphorie, la gueule de bois : retour brutal à la réalité
Souvenez-vous : en 2020, le vélo était sur tous les trottoirs. Avec le confinement, les restrictions de déplacement et l’envie de plein air, les ventes ont atteint un record de 501 828 unités. Depuis, la courbe ne cesse de s’inverser. En 2023 déjà, le recul était de 18 %. En 2024, les chiffres s’enfoncent à nouveau pour tomber à 341 142 unités vendues — le plus bas niveau depuis 2017.
Même les vélos à assiatance électriques, qui avaient porté le marché ces dernières années, n’ont pas échappé à la tempête. Leur part de marché reste stable à 45 % depuis trois ans, mais les volumes sont en baisse :
- -10 % pour les modèles sportifs,
- -13 % pour les modèles de ville.
Les speed pedelecs, censés incarner l’alternative sérieuse à la voiture, s’effondrent de 21 %.
Une saturation du marché… mais pas seulement
Officiellement, l’association Velosuisse évoque une « phase de consolidation ». Elle met en avant plusieurs facteurs : marché saturé, météo peu clémente au printemps, moral des consommateurs en berne. Des raisons valables, certes, mais qui ne suffisent pas à expliquer l’ampleur du recul.
D’autres éléments pèsent sur le marché du vélo en Suisse. D’abord, une pression croissante sur les marges. Les grands distributeurs liquident leurs stocks, certains ferment des magasins ou des chaînes entières. Résultat : une érosion des prix qui touche toute la filière, des fournisseurs aux revendeurs.
Comme le souligne Robert Weishaupt, président de 2Rad Schweiz :
« Quand les grandes enseignes bradent ou ferment, tout le secteur en ressent les secousses. »
Les réparations, elles, tiennent le coup et affichent une légère hausse. Un petit rayon de soleil dans un ciel bien nuageux.
Des signaux faibles à surveiller de près
Tout n’est pas sombre pour autant. Trois segments tirent leur épingle du jeu :
- les e-gravel,
- les e-road,
- les cargo bike électriques.
Ces niches enregistrent de jolies progressions, même si elles restent encore modestes en volume. Leur succès prouve une chose : le public reste en demande d’innovation et de vélos différenciants, à condition qu’ils répondent à un besoin concret.
Autre surprise : les grossistes, à contre-courant du reste du marché, ont vu leurs ventes progresser de 7 % en 2024. Cela représente une performance 30 % meilleure que les détaillants spécialisés. Leurs prix plus attractifs, leur stock disponible et leur réactivité logistique semblent séduire une clientèle plus prudente.
Cela suffit-il à inverser la tendance ? Pas encore. Mais cela montre que des ajustements sont possibles dans la chaîne de distribution.
Quelles perspectives pour 2025 ?
La question est sur toutes les lèvres : le marché du vélo en Suisse peut-il rebondir ? Difficile de faire preuve d’optimisme à court terme. Tant que les stocks invendus des années précédentes ne sont pas écoulés et que les distributeurs n’auront pas retrouvé un équilibre financier, les tensions vont persister. L’offre est là, parfois trop présente, mais la demande reste timide.
Et pourtant, il existe des pistes encourageantes :
- Le développement des infrastructures cyclables, notamment en ville.
- Des incitations fiscales à l’achat de vélos électriques ou vélos cargo.
- Une prise de conscience écologique durable.
Pour cela, il faudra que les acteurs du marché se réinventent, que ce soit en misant sur la qualité, le service ou des usages spécifiques (comme les trajets domicile-travail).
Et maintenant, comment réagir ?
Si vous êtes professionnel du cycle, ce contexte appelle à une refonte de vos priorités :
- formation à l’entretien de vélos électriques,
- gestion fine des stocks,
- offre de location ou de vélos reconditionnés.
De plus, si vous êtes passionné de vélo ou utilisateur régulier, c’est peut-être le bon moment pour profiter de prix attractifs, sans sacrifier à la qualité. Et pour les collectivités ou décideurs publics, l’enjeu est clair : maintenir l’élan vélo amorcé pendant la pandémie, sous peine de perdre une occasion historique d’enraciner une culture du déplacement doux.