Imaginez le port du Pirée encore embrumé, puis soudain des dizaines de fonctionnaires débarquant en file serrée. C’est le décor explosif de l’opération Calypso, vaste coup de filet coordonné par le Parquet européen (EPPO) et l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Objectif : couper court à un système parfaitement huilé qui détournait droits de douane et TVA.
L’essentiel de l’article :
- 7 133 vélos électriques et 3 696 e‑trottinettes saisis.
- 480 conteneurs placés sous scellés au Pirée.
- 5,8 millions € en cash, cryptos et devises gelées.
- 14 États membres impliqués, 10 interpellations.
Pourquoi l’opération Calypso frappe si fort ?
Le marché européen du vélo électrique est en plein boom, attisant phénomène de polycriminalité et fraudes massives. Cette fois, les enquêteurs ont observé une évaluation des risques inédite : douanes grecques, bulgares et françaises ont croisé données big data et renseignement en temps réel pour cartographier les flux suspects.
« La coopération douanière n’a jamais été aussi serrée », confie une source proche du dossier.
Résultat : un maillage régional centré sur le port de Pirée, plateforme contrôlée à 67 % par le géant chinois COSCO. Les conteneurs y entraient sous‑facturés, repartant vers la France ou l’Italie avec de faux documents. Le manque à gagner pour la sécurité régionale ne se compte plus seulement en millions, mais en emplois perdus dans toute la filière vélo.
La mécanique de la fraude
- Sous‑facturation systématique pour échapper aux droits antidumping.
- Utilisation de sociétés écrans bulgares… avec un numéro de TVA grec !
- Destruction des documents de transport une fois la marchandise livrée.
À la clé, une distribution quasi clandestine – principalement en cash, via des marketplace parallèles.
Dans les coulisses : comment les douanes traquent les e‑bikes fantômes ?
Loin de l’image du contrôle aléatoire, Calypso repose sur une coordination des actions millimétrée :
Renseignement en temps réel
- Analyse croisée des déclarations import et des ventes en ligne.
- Algorithmes pour détecter les mouvements illicites (prix anormalement bas, transbordements répétés).
Coopération internationale au premier plan
Europol, Interpol, EPPO : chacun a partagé sa base d’échanges d’informations. Les agents français ont, par exemple, recoupé avec l’enquête sur la saisie record de vélos électriques en Irlande pour remonter vers les logisticiens grecs.
« Sans ce maillage, impossible d’atteindre de tels résultats opérationnels », souligne l’OLAF.
Des chiffres qui décoiffent : un trou de 700 M€ dans les caisses publiques
Les enquêteurs estiment le préjudice à 250 M€ de droits de douane et 450 M€ de TVA volés.
Côté prises :
- 7 133 VAE (valeur marchande : ~17 M€).
- 3 696 e‑scooters.
- 27 véhicules de luxe et 11 propriétés saisies.
- Armes et bijoux découverts lors des 101 perquisitions.
Ces chiffres battent le précédent record, déjà enregistré cette année en Irlande. De quoi rappeler que la prévention et répression des fraudes reste un chantier prioritaire.
Quel impact pour le cycliste européen ?
Bonne nouvelle : cette rafle limite l’invasion de VAE sous‑cotés, faussant la concurrence. Mais on n’est pas à l’abri de nouvelles routes. D’autant que Pékin conteste toujours les droits antidumping prolongés en février dernier. Pour comprendre les enjeux (re)lisez notre analyse : L’Union Européenne durcit le ton : des droits antidumping prolongés sur les VAE chinois.
En attendant, les marques honnêtes respirent, tandis que les consommateurs gagnent en confiance. La coopération internationale décrétée par Calypso pourrait même devenir un modèle exportable pour d’autres filières sensibles (textile, électronique…).
Et maintenant, on fait quoi après cette opération Calypso ?
L’opération Calypso montre qu’en matière de lutte contre la criminalité économique, l’UE peut frapper vite et fort. Mais la partie est‑elle vraiment gagnée ? Les réseaux s’adaptent, changent de port, peaufinent leurs faux papiers. À nous, citoyens, pros du cycle et administrations douanières, de rester vigilants.
