Le « groupe Giant » est au cœur de l’actualité. Entre résultats en recul, marché des vélos électriques qui reprend des couleurs et pression inédite des autorités américaines, la page 2025 ne se tourne pas sans remous.

L’essentiel de l’article :
- Recul du chiffre d’affaires cumulé de 17 % sur neuf mois, mais marge brute en amélioration au T3.
- Les e-bikes pèsent 25 % des ventes et tirent la demande européenne.
- Les douanes américaines (CBP) bloquent les importations Giant Taiwan pour soupçons de travail forcé.
- L’industrie taïwanaise réagit : cap sur la due diligence et la réforme sociale.
Les chiffres clés : onde de choc mais signaux de stabilisation
T3 2025, un trimestre contrasté

Sur les trois premiers trimestres 2025, le groupe Giant publie un chiffre d’affaires consolidé de NT$ 47,96 milliards (≈ 1,4 milliard €), en baisse d’environ 16,9-17 % par rapport à 2024. Le T3 ressort à NT$ 15,36 milliards, soit –24,9 % sur un an.
La marge brute trimestrielle progresse toutefois à 21,5 % (contre 18,5 % un an plus tôt), portée par des promotions ciblées et des reprises de provisions d’inventaires. Le bénéfice net des neuf mois atteint NT$ 910 millions, pour un EPS de NT$ 2,31. Ces données confirment un atterrissage moins brutal que redouté, avec un début de normalisation des stocks.
Ce que ça veut dire concrètement : le volume ralentit, mais Giant protège mieux sa rentabilité au pic saisonnier.
Dans le détail, l’activité OEM progresse d’environ 20 % sur neuf mois, tirée par la demande en Europe, tandis que la vente en propre se redresse modérément sur le Vieux-Continent. Côté devises, l’appréciation du dollar taïwanais a pesé sur le premier semestre.
Les e-bikes restent le pilier de croissance
Même si la part de chiffre d’affaires recule légèrement, les vélos électriques (marques propres et OEM) pèsent 25 % des revenus sur neuf mois et affichent une croissance en unités. On le voit sur le terrain : en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, la catégorie reste « la » porte d’entrée pour écouler le stock, moderniser les plateformes et capter de nouvelles marges.
Pour nous, consommateurs, ça se traduit par des lancements plus rythmés et des promos plus lisibles, notamment sur les modèles urbains et trekking.
En bref : si Giant investit encore dans l’e-bike en 2026, c’est parce que la dynamique européenne tient bon.
Tempête réglementaire : le WRO du CBP change la donne
Ce qui s’est passé fin septembre
Le 24 septembre 2025, les douanes américaines (CBP) ont publié un Withhold Release Order (WRO) visant les vélos, pièces et accessoires fabriqués à Taïwan par Giant. En clair : les cargaisons concernées sont retenues à l’entrée du marché US tant que l’entreprise n’a pas levé les soupçons de travail forcé (indicateurs OIT : abus de vulnérabilité, conditions abusives, servitude pour dettes, retenues de salaires, heures excessives).
Par ailleurs, Giant a annoncé engager une procédure de pétition pour obtenir la levée du WRO, en mettant en avant son Zero Recruitment Fee Policy, des audits tiers et l’amélioration des logements salariés. À court terme, l’impact est surtout logistique et commercial sur les expéditions US ; les autres régions restent moins exposées.
Pourquoi c’est critique pour la filière
Au-delà du cas Giant, ce WRO envoie un signal à tout l’écosystème OEM/ODM. Les marques qui s’approvisionnent à Taïwan doivent documenter la conformité sociale et anticiper des contrôles renforcés sur leurs chaînes d’approvisionnement.
Pour certains distributeurs américains, cela peut se traduire par des retards, des re-routages ou une requalification d’origine. Et forcément, un peu de tension sur les prix à court terme.
Droits humains : entre pression des ONG et réponse industrielle
Zero-fee : de la promesse à l’extension
Après des enquêtes médiatiques sur l’ampleur des frais de recrutement payés par des travailleurs migrants (entre 3 200 $ et 6 700 $ selon les pays d’origine), Giant a d’abord annoncé une politique zéro frais pour les nouvelles embauches à partir du 1ᵉʳ janvier 2025. Le groupe a étendu cette politique à l’ensemble des travailleurs en poste à l’automne 2025. Dans les faits, cela implique remboursements et exemptions progressifs, avec un coût total estimé à plusieurs millions de dollars pour 2025.
Est-ce suffisant ? Pas tout à fait. Les ONG et les journalistes d’investigation demandent des garanties traçables, des audits indépendants plus fréquents et la transparence sur les agents privés de recrutement.
La TBA passe à l’action
Dans le sillage de « l’incident Giant », la Taiwan Bicycle Association (TBA) a lancé à l’automne une initiative filière pour renforcer la due diligence droits humains et accompagner fournisseurs et marques. Pour un panorama clair des objectifs et des outils, voir notre décryptage de la TBA sur la vigilance droits humains dans l’industrie vélo.
L’idée : unifier les attentes, outiller les PME taïwanaises, et rassurer les régulateurs européens et américains. Ça bouge, et c’est tant mieux.
Et côté marché : quelles conséquences pour vous et pour nous ?
Du côté des acheteurs et revendeurs
À court terme, on peut voir des ajustements d’offre sur certains modèles US et OEM, et un effet de report vers l’Europe. Pour choisir malin, notre comparatif des vélos électriques du moment aide à trier les promos des vrais bons plans. Pour l’utilisateur final, le bon plan reste de comparer les vélos électriques 2025/2026 : les remises existent, la techno a mûri, et la qualité d’assemblage progresse.
Si vous suivez l’équipementier, gardez un œil sur la conjoncture du côté des composants : certains acteurs clés ont vécu des trimestres compliqués (ex. tensions récentes chez Shimano), ce qui peut influencer les bundles et les tarifs atelier.
Du côté des marques partenaires
Les donneurs d’ordre qui travaillent avec le groupe Giant devront, eux aussi, durcir leurs audits et documenter les mesures correctives. Parce qu’au-delà du WRO, l’Europe discute encore le périmètre de la directive CSDDD ; même si son champ pourrait être restreint, l’esprit de la loi reste le même : prouver la vigilance.
Le groupe Giant joue la transparence… et n’a pas le choix !
On le voit, le groupe Giant navigue entre pression réglementaire et reprise sélective du marché. Les vélos électriques restent la béquille solide, l’Europe le point d’équilibre, mais la bataille se gagne sur la confiance : prouver, documenter, corriger.
